La chapelle des Pénitents de Puget-Théniers

La chapelle Sainte-Croix ou ancienne chapelle des Pénitents

English version: The Chapel of the White Penitents.pdf

Une procession de pénitents lors d'une sécheresse en 1685

Anciennement Puget-Théniers comptait deux confréries de pénitents, traditionnellement appelées Blancs et Noirs en raison de la couleur de leur tunique et de leur cagoule. Chaque confrérie avait cependant un nom officiel, celui de la dévotion particulière qu’elle revendiquait : Miséricorde ou Suffrage pour les Noirs, Sainte-Croix ou Saint-Sauveur pour les Blancs. En 1756, faute de recrutement suffisant, les deux confréries durent fusionner. On convint alors d’en garder la double mémoire en adoptant comme tenue de cérémonie une aube blanche ceinte d’une cordelière noire ainsi qu’en appelant Miséricorde la confrérie désormais unique se réunissant dans la chapelle de la Sainte-Croix.

Règlement général de la Confrérie du Puget, sous les titres du Très Saint Nom de Jésus et de Notre Dame de la Miséricorde réunies sous l’invocation du Sacré Cœur de Jésus et de Marie, par ordonnance de Monseigneur l’Evêque de Glandèves du 25 Décembre 1756.

Monseigneur Hachette des Portes. Gravure JB Bradel, XVIIIe siècle

Le 15 Mai 1783 Mgr Henri Hachette des Portes, évêque de Glandèves-Entrevaux, signe la décrétale prononçant la suppression du couvent des Augustins de Puget-Théniers suite à de nombreuses querelles entre le clergé et les derniers religieux. Les biens fonciers du riche couvent sont alors dévolus au séminaire et à l’hôpital d’Entrevaux, la paroisse et la confrérie de Puget-Théniers reçoivent le mobilier et les œuvres garnissant son église. La prise de possession n’en sera effective que beaucoup plus tard, car la mise en vente des bâtiments comme biens nationaux au moment de l’occupation révolutionnaire française n’avait pas permis de trouver preneur.

Blason de Monseigneur Hachette des Portes. Détail de la remise du scapulaire

Pendant la Restauration les autorités sardes font étudier différents projets pour les anciens bâtiments conventuels (école, caserne de carabiniers, bureaux de la douane, tribunal, etc) et finalement, les mettent en vente. Après l’annexion de 1860 divers propriétaires choisissent de lotir ces immeubles très dégradés et de les transformer en habitations. Dans les premières années du XXe siècle le Dr Alexandre Baréty en effectue le relevé archéologique et s’efforce d’en préserver quelques vestiges. C’est, semble-t-il, à l’occasion de ces importants travaux que les œuvres abandonnées dans l’ancienne église conventuelle sont distribuées entre l’église paroissiale - retable de Notre-Dame-de-Secours, attribué à Antoine Ronzen et daté de 1525, divers éléments de l’ensemble sculpté de la Passion attribué à l’atelier de Mathieu d’Anvers - et la chapelle des pénitents - tableaux et fragments de retables, éléments du groupe de la Passion, dont la croix du Calvaire toujours suspendue au-dessus de l’entrée.

La confrérie, victime de la désaffection populaire, voit se tarir son recrutement et finit par s’éteindre à la charnière des deux siècles. La chapelle et son mobilier sont une nouvelle fois abandonnés. Au début des années 1960 François Énaud, inspecteur des Monuments Historiques, décide de regrouper dans l’église paroissiale les trois scènes de la Passion, selon la disposition où elles sont toujours.

L'architecture

06099-ARC-00003%20WEB Façade sur la rue Viborel.

De plan rectangulaire (18m de long et 5,5m de large en moyenne, sans tenir compte de la sacristie qui la prolonge vers le sud), elle est totalement insérée dans le tissu urbain environnant. Sa seule ouverture extérieure donne sur la rue Lucien Viborel, faisant suite à la rue Papon, qui fut une rue passante importante. Sa façade sur rue (ci-dessus) est dans l'alignement des immeubles qui la flanquent. Quelques éléments la distinguent : soubassement de l’édifice et bases des pilastres, corniche à multiples ressauts couronnée par un élégant fronton triangulaire. En position centrale le portail d’entrée (ci-dessous) est d’un dessin élégant ainsi que d’une belle qualité d’exécution : deux piliers engagés érigés sur un socle orné d’une moulure en quart-de-rond portent les chapiteaux droits sur lesquels repose une architrave à double rang cantonnée de blocs cannelés et surmontée d’une corniche fortement saillante. Tous les éléments ont été réalisés dans un calcaire local gris très dur témoignant du savoir-faire d’un atelier certainement itinérant. L’huisserie de la double porte en noyer avec ses panneaux symétriques complète cet ensemble. Les surfaces lisses des maçonneries sont peint : bleu pour les tableaux, blanc pour les reliefs. Dans sa rigueur cette façade classique semble tout droit issue d’un recueil de planches gravées du XVIIe siècle.

Portail d'entrée.

L'intérieur

La sobre rigueur de la façade se retrouve dans le plan et l’élévation intérieurs de la chapelle. Le volume de la nef unique est divisé en quatre travées égales, la plus méridionale constituant le chœur liturgique. La conception architecturale correspond parfaitement aux usages des confréries de dévotion. Le plus généralement un ou deux rangs de sièges disposés en tribunes bordent les deux côtés de la nef, se faisant face de part et d’autre d’un large couloir central réservé aux déambulations processionnelles. Les confrères y prennent place selon un protocole précis pour lire et surtout chanter. Les confréries regroupent uniquement des laïcs et les offices liturgiques, nécessitant la présence d’un membre du clergé, ne peuvent être célébrés qu’occasionnellement dans leurs oratoires.

Intérieur de la chapelle

Retable et mobilier du chœur

Le retable de la Transfiguration Vue d'ensemble du retable du Maître-Autel

Deux éléments distincts composent cet ensemble remonté dans sa présentation actuelle à la fin des années 1990 : le riche encadrement de bois sculpté et doré d’une part, le panneau peint sur bois qui y est inséré, de l’autre. Le retable mural résulte de l’assemblage de divers éléments certainement prélevés dans le mobilier de l ’ancienne église des Augustins. Une peinture gris verdâtre uniforme en harmonise les fonds tout en respectant les reliefs dorés d ’un décor en partie recomposé, notamment sur les façades des gradins inférieurs. La partie supérieure est constituée de deux colonnes torses habillées de pampres et portant, par l’intermédiaire d’une architrave ornée de rinceaux , un fronton interrompu dont les deux angles extérieurs sont surmontés d’un motif en double volute inversée. Latéralement deux étroites bandes reprennent le motif des volutes complété probablement par les ailerons aujourd’hui placés perpendiculairement sur les bases des colonnes. Le fronton sommital s’orne d’une niche creusée dans un cartouche où se détache la figure d’un Père Éternel émergeant d’une petite nuée portée par deux séraphins. Le centre de l’architrave comporte un nœud de ruban serrant la lisière de rideaux dont les pans, relevés par des crochets, s’enroulent élégamment de part et d’autre de la fenêtre centrale du retable. Sous un petit pavillon trois angelots tiennent une banderole où se lit la formule Gloria in altissimis Deo (Gloire à Dieu au plus haut des cieux) qui, généralement, complète les représentations de la Nativité. Le panneau peint placé dans l’encadrement du retable ne s’adapte qu’à peu près aux contours de celui-ci, comme le montrent sa découpe supérieure, les réserves de peinture sur ses deux côtés et, surtout, l’absence de visibilité de son inscription dédicatoire, masquée par une planche inserrée entre les bases des colonnes. Il est constitué par l’assemblage de six plateaux de bois de largeur identique, revêtus d’une toile grossière elle-même couverte d’un enduit fin supportant la couche picturale (à droite).

Panneau de la Transfiguration La scène représentée est celle de la Transfiguration rapportée par trois évangélistes et par Pierre. Jésus prie « sur la montagne » lorsque son visage et son vêtement s’illuminent, tandis que Moïse et le prophète Élie se joignent à lui à la grande stupeur des trois disciples qui l’accompagnent (Jean, Jacques et Pierre). La figure de saint Charles-Borromée en oraison vient ici compléter la scène qui se déroule en avant de l’esquisse d’un petit paysage urbain. Dans l’angle inférieur droit du panneau est conservée l’inscription dédicatoire en latin qui se traduit : « Pour la plus grande gloire de Dieu cette œuvre a été réalisée aux frais de la confrérie du Saint-Sauveur, DM Pierre de Millia et Thomas Raynaud en étant recteurs - 1620 - ».

Le buste-reliquaire

Victime de mauvaises conditions de conservation cette œuvre sculptée de belle qualité a perdu la quasi-totalité de sa dorure (piédouche, chasuble et mitre) ainsi que la plus grande partie de sa polychromie (visage et barbe du buste). Il s’agit d’un reliquaire d’exposition destiné à se trouver en permanence dans une niche murale ou sur des degrés d’autel, à la différence de reliquaires processionnels ou de dévotion qui ne sont présentés aux fidèles qu’en certaines occasions (rite saisonnier, fête du saint, cérémonie particulière). La logette contenant la relique conserve sa petite vitre de protection mais a été vidée de son contenu, ce qui ne permet plus d’identifier le saint évêque représenté. Au centre du piédouche, une paire de ciseaux articulés donne un indice (à droite). Il pourrait s’agir d’un objet lié à la vie du saint aussi bien que d’un emblème de corporation. Il pourrait s'agir de saint Médard, évêque de Noyon puis de Tournai, les ciseaux avec lesquels il avait reçu la tonsure ecclésiastique auraient été conservés dans la cathédrale de Soissons à titre d’objet-relique. Mais il est difficile de relier un évêque picard du Ve siècle avec un évêché ou un couvent religieux alpin de la fin du Moyen Âge. Les ciseaux pourraient aussi représenter l’un des principaux outils du métier de tailleur et indiquer la présence d’une corporation dans l’une ou l’autre église de Puget-Théniers où elle aurait été propriétaire d’une chapelle latérale. Pour l'instant rien ne vient renforcer cette hypothèse, on peut néanmoins effectuer un rapprochement avec la chapelle de la confrérie des tailleurs et fabricants de chausses hébergée dans l’église du couvent des Augustins de Nice, dédiée cependant à la Vierge Marie. On peut enfin imaginer que le saint titulaire de cet attribut soit Martin, évêque de Tours, bien connu pour le partage de son manteau avec un miséreux et donc tout indiqué comme saint patron des tailleurs. L’hypothèse se renforce par la présence d’autres œuvres mettant en lumière la ceinture de la Vierge, dévotion que les ermites augustins accueillaient avec une faveur particulière. La proximité des corporations de tailleurs pour toiles et tissus avec celles de corroyeurs pour cuirs suffit à expliquer leur réunion dans un même oratoire, chacune conservant néanmoins son identité et son autonomie grâce à son mobilier cultuel spécifique. Il s’agit d’une œuvre très originale, rarement rencontrée sous cette forme d’objet mobilier.

La Gloire

La « mise en gloire » d’un symbole divin ou d’un aspect particulier de la dévotion qui lui est rendue est relativement fréquente mais fait normalement l’objet d’un traitement architectural permanent. Les chapelles et oratoires dédiés au Sacré-Cœur ou au Saint-Nom de Jésus, par exemple, sont extrêmement nombreux, en association le plus souvent avec des confréries pieuses dont ils sont le lieu de réunion. Le thème fondamental en est celui du rapprochement symbolique entre la lumière divine éclairant la création universelle et la lumière solaire rayonnant sur le monde. Depuis le Moyen Âge des ordres religieux mendiants cherchent à concilier les anciens cultes solaires, dont les vestiges sont toujours présents, avec les exigences du christianisme. La Gloire rayonnante en est une illustration, de même que le sigle I.H.S. souvent placé au-dessus des portes d’entrée. Promu par le moine franciscain Bernardin de Sienne il exalte le Nom de Jésus (Iesus Hominum Salvator = Jésus Sauveur des Hommes) et s’inscrit dans un anneau rayonnant imitant le chardon qui est parfois cloué sur les huisseries et qui en fournit une image naturelle. La Gloire conservée dans la chapelle des pénitents est réalisée principalement en bois manufacuré : un anneau central en quatre parties au revers duquel sont fixés seize rayons de deux longueurs différentes disposés en alternance afin de créer un rythme visuel. L’intrados du cercle central est habillé d’un curieux motif métallique que quatre pattes maintiennent par cloutage sur l’anneau de bois doré. Il s’agit d’une plate-bande lisse dont les bordures soudées imitent le ruban spiralé fréquent dans l’art du Moyen Âge. Cette torsade était alors le plus souvent tracée comme un enroulement disposé à quelque distance d’un noyau central, généralement constitué d’un rameau fleuri ou portant des fruits, d’où lui vient le nom de « bâton rubanné » que l’on retrouve dans l’art baroque. Le médaillon circulaire au centre de la Gloire abrite sous verre un dessin à la plume mis en couleur à la gouache sur une feuille de vélin. Il figure, au cœur d’une couronne formée de deux rameaux d’olivier réunis par la pointe, deux anges drapés de rouge pour l’un et de bleu pour l’autre, surmontant une nuée et brandissant, dans le rayonnement de la lumière divine deux sacrés-cœurs reliés par une chainette qui en ceint la zone médiane. Cet objet n’est pas à proprement parler un support de dévotion. Il s’agit d’une œuvre à vocation ornementale dont le dispositif de suspension laisse cependant penser qu’elle pouvait être facilement déplacée et installée au gré des besoins spécifiques d'une cérémonie : procession, reposoir, pélerinage, office périodique, etc. Son approche stylistique, très marquée par le goût classique (symétrie de la composition, tracé à la règle et au compas, rigueur des visages angéliques, recours à des procédés mécaniques de fabrication pour les torsades métalliques et pour les rayonnements) laisse penser qu'elle fut créee au milieu du XVIIIe siècle, même si l'œuvre ne porte aucune date de réalisation.

Le petit mobilier

La chapelle accueuille plusieurs pièces provenant soit de l’ancien couvent des Augustins, soit des précédents oratoires de confréries, soit de rangements et de renouvellements opérés dans le petit mobilier de l’église paroissiale ou de chapelles rurales. Il s’agit de pièces disparates, généralement de facture répétitive sinon industrielle, telles qu’on les rencontre dans tous les édifices du culte, ce sont des éléments discrets des « mises en scènes » cérémonielles. Les multiples statuettes d’anges photophores (ci-dessus), aujourd’hui confinées dans des placards de sacristies avec les vases et les séries de chandeliers, témoignent de l’attachement des fidèles et du clergé à doter les autels et oratoires d’un decorum minimal.

Tableaux et retables de la nef

La charité de saint Thomas de Villeneuve

San Tomàs de Villanueva (1486-1555) était un religieux augustin formé dans les grandes universités humanistes d’Espagne. Élevé à la charge de prédicateur officiel de CharlesQuint il dut se conformer à la volonté de l’empereur en acceptant de devenir archevêque de Valence. Il se distingua dans son épiscopat par une grande sollicitude envers les indigents auxquels il faisait distribuer les revenus du diocèse, ce qui lui valut le surnom d’Aumônier. Il joua aussi un rôle important dans la réforme de son ordre.

L’encadrement originel de cette toile n’a pas été conservé à l’occasion de son transfert depuis l’église du couvent des Augustins. Il a été restauré en vue d’une exposition au palais Lascaris de Nice en 1979. Fixée par trois cachets de cire rouge sur l’emmarchement de l’estrade où se dresse le saint évêque une petite feuille de papier porte, difficilement lisibles, la signature de l’auteur et la date de réalisation de l’œuvre : J. André 168(?). Jean André dit de Castellane, né à Annot vers 1620, fut particulièrement actif dans les petits diocèses alpins de Senez et Glandèves au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle. Il n’est pas rare que le regroupement des commanditaires fasse apparaitre sur une même œuvre des figures très différentes, ici avec quatre thèmes : la Vierge à la Ceinture, Thomas de Villeneuve, Marie-Madeleine et une sainte carmélite généralement identifiée à Thérèse d’Avila (bien que la présence d’une fleur de lys ne corresponde pas à son iconographie habituelle). L’archevêque de Valence, accompagné d’un clerc qui tient sa croix épiscopale, puise de la main gauche dans un coffret rond les pièces qu’il dépose de la main droite dans l’écuelle que lui tend un mendiant appuyé sur sa béquille et entouré de sa famille. La représentation s’inspire largement d’un tableau peint vers 1660 par Mateo Cerezo dont Jean André cite précisément le jeune garçon sur les marches ou la mère portant son bébé sur l’épaule. Il en élimine par contre la figure du vieil homme rapace qui tente d’écarter le réceptacle des monnaies. Le même sujet, traité de manière beaucoup plus dramatique, avait été peint aussi par Luca Giordano en 1658 pour les augustins de Naples.

À gauche : Mateo Cerezo, Saint Thomas de Villeneuve distribuant des aumônes, vers 1660, musée du Louvre. À droite : Luca Giordano, Saint Thomas de Villeneuve distribuant des aumônes, 1658, musée de Capodimonte.

Les figures des deux saintes placées de part et d’autre de l’image centrale correspondent à l’intervention lors de la commande de confréries féminines souhaitant associer leur patronne au tableau. Dans la partie supérieure du tableau, l’artiste a tenté la combinaison de plusieurs thèmes. La Vierge à l’Enfant trônant sur une épaisse nuée y est couronnée par deux anges tenant une gerbe de fleurs et une palme, symboles habituels du martyre (inhabituel ici). Plus étrange encore, pendant que Jésus la tient par le menton (geste d’affection très souvent représenté), Marie laisse pendre vers le sol une ceinture de cuir, la même que l’Enfant. Ce thème de la vierge à la ceinture est très lié aux augustins, on retrouve ce « lien » que Marie établit entre les fidèles et elle par l’intermédiaire de sa ceinture dans les textes apocryphes où Thomas, le disciple incrédule, reçoit du ciel cet objet qui atteste de l’Assomption de la Vierge. Plus tard, au moment où le futur saint Augustin quitte sa mère Monique pour gagner Milan et Rome, celle-ci reçoit une ceinture mariale comme gage de consolation. Cette ceinture de cuir deviendra le signe distinctif des religieuses augustines qui l’adopteront. Il est possible que les augustins, accueillant dans leur église une ou plusieurs confréries féminines, aient tenu à se mettre en avant sur le tableau de leur chapelle par ce signe renvoyant au fondateur de leur ordre et sa mère dans une dévotion mariale privilégiée. Ce thème se retrouve d'ailleurs dans une autre église des augustins Saint-Martin-Saint-Augustin au cœur du vieux Nice. L’arrière-plan de la composition montre quelques éléments d’architecture monumentale (dôme, escalier, pilier...) soulignant le contraste entre la richesse du cadre de vie habituel du prélat et la sollicitude dont il témoigne à l’égard des déshérités.

La Présentation au Temple

Les textes évangéliques évoquent en détail ce cérémonial juif où après une naissance, la jeune mère doit être purifiée et son fils premier-né consacré au Seigneur (Luc II, 22-39). Le vieillard Syméon, la tête couverte d’une étole rouge, proclame l’arrivée de la lumière divine émanant de la nuée centrale, habitée de séraphins et semblant réverbérée par le corps du bébé que sa mère présente à l’autel. Fixé sur la nappe d’autel, un fragment de papier plié et déchiré devait porter la signature du peintre et la date d’achèvement du tableau, aujourd’hui totalement effacées. En arrière sont disposés plusieurs personnages, de part et d’autre de la figure centrale du grand prêtre aux mains jointes en signe de respect. À gauche deux hommes encadrent Syméon dont un, fixe le spectateur, peut-être s'agit-il d'un donateur. À droite un jeune acolyte, revêtu d’un surplis, fixe aussi le spectateur tout en effectuant un geste de bénédiction pendant que, tout à droite, Joseph éclaire la scène de son flambeau. La composition, organisée en une croix de Saint-André, privilégie la distribution de la lumière sur les personnages et les objets mobiliers, comme pour souligner la place liturgique de la Présentation située au 2 Février, fête de la Chandeleur et du renouveau de la lumière. Il est très vraisemblable que cette toile de belle qualité s’inspire d’une œuvre réputée dont la reproduction devait circuler dans les milieux ecclésiastiques et au sein des ateliers d’artistes mais qui n'a pas encore été identifiée. La boiserie où elle s’insère porte la date de 1739, alors que le style de la peinture la ferait plutôt remonter au XVIIe siècle. Le remontage a probablement été réalisé au moment du transfert depuis l’église des Augustins.

La remise du scapulaire

Le tableau anonyme figurant la remise du scapulaire est une œuvre de grande qualité artistique, commande personnelle de l’évêque de Glandèves dont elle illustre une dévotion particulière.Henri Hachette des Portes était un ecclésiastique champenois (1709-1798) très proche de l’évêque de Reims et nommé visiteur de l’Ordre des Carmélites. Élevé au trône épiscopal de Glandèves en 1771 il se montra farouchement opposé aux thèses jansénistes. Prônant une dévotion particulière à l’intercession mariale il publia en 1788 ses Instructions pastorales sur la dévotion au Sacré-Cœur de Marie. La Révolution française le poussa à se réfugier dans le comté de Nice puis à Bologne où il mourut en 1798. La Vierge, sur une nuée habitée de séraphins, présente l’Enfant debout qui tend un scapulaire miniature à l’une des trois jeunes femmes agenouillées. Dans le monachisme des origines le scapulaire est une sorte de tablier de travail composé de deux pans de tissus reliés par des bretelles posées sur les épaules. Il protège l’habit monacal au cours des activités de travail manuel que la règle impose. Il en devient le symbole, surtout lorsque les ordres mendiants se développent en milieu urbain, abandonnant les tâches des domaines agricoles. Le scapulaire prend ensuite la forme réduite de deux carrés de tissus liés par un cordon, objet que le fidèle porte sur la poitrine et dans le dos, sous son vêtement quotidien, attirant ainsi sur lui la protection mariale. Les Carmélites sont les principaux propagateurs de ce rite que Mgr Hachette des Portes s’attache à propager. Les jeunes femmes recevant le scapulaire des mains de l’Enfant Jésus et de sa mère, arborant l’un et l’autre l’image du Sacré Cœur, sont habillées et voilées comme des novices carmélites auxquelles un petit ange semble présenter le recueil des Instructions pastorales publié par l’évêque entrevalais et dont le plat de la reliure porte les armes.

L'Immaculée Conception

Assez dégradée dans sa partie basse, cette toile présente une iconographie beaucoup plus conventionnelle que les autres œuvres présentées dans la chapelle. Le Père Éternel jaillissant d’une nuée peuplée de séraphins tend la main en un geste de bénédiction vers une Vierge Marie confiante et soumise. Nimbée d’une couronne d’étoiles elle se dresse sur un croissant de lune, foulant aux pieds la figure démoniaque du dragon. Les visages de tous les personnages sont de jolie facture, de même que le rendu des drapés de leurs vêtements mais la composition en diagonale révèle un thème souvent reproduit. Cette œuvre illustre néanmioins les cultes et dévotions répandus et entretenus à l’époque baroque dans les communautés du haut pays niçois. Les prescriptions conciliaires de la Contre-Réforme y ont été reçues et diffusées par un clergé vigilant autant que par des ordres de prédication comme celui des Augustins. Puget-Théniers en a accueilli un des principaux établissements régionaux et le riche patrimoine artistique conservé témoigne de cette vitalité culturelle.

Œuvre annexe

Comme souvent la chapelle des pénitents est devenu le lieu de dépôt d’éléments mobiliers disparates qui constituent un précieux témoignage du contexte culturel dans lequel ils ont été acquis puis déposés. Cette gravure ancienne par exemple, représente le sacrifice du héros antique Mucius Scævola, perpétuant certainement l’idéal politique et humain d’un ancien pugétois.

Conception

  • Jean-Loup Fontana
  • Philippe Thomassin
  • Michel Graniou
  • Flore Benisty, médiation numérique