La ligne de tramway du Haut-Var

« Les transports par autobus ne peuvent remplacer les tramways, ils ne peuvent en être que le complément heureux. » Just Durandy, lors de l’inauguration de la ligne, 29 juillet 1923, à Guillaumes.

Le tracé, établi dès 1909, bénéficia des leçons tirées des déboires des autres lignes de montagne. Les déclivités sont moins prononcées (45 à 47 mm/mètre maximum) et les courbes plus douces. Néanmoins, eu égard au relief accidenté des gorges de Daluis, cette ligne devient la plus fournie en ouvrages d’art de toutes les lignes du réseau.

Sur le terrain, les travaux ne commencent qu’en 1910, mais les chantiers sont ralentis par des difficultés d’expropriations et par l’étalement des crédits, que Conseil Général affecte en priorité aux premières lignes mises en exploitation dans les vallées de la Vésubie et du Loup. Pour accélérer la mise en service de la ligne du Haut-Var et réduire son coût, le département propose même d’abandonner la traction électrique et d’employer des locomotives à vapeur ou des automotrices benzo-électriques ou plus simplement des autorails…Mais la compagnie du Sud-France s’y oppose et argumente qu’elle préfère conserver une unité technique sur son réseau.

En 1914, les terrassements de la plateforme sont terminés, mais la guerre ralentit la suite des travaux. La voie est finalement posée en 1915, alors que l’armée réclame, comme dans toute la France, la réquisition des rails non utilisés pour équiper les voies ferrées d’intérêt stratégique servant à l’approvisionnement du front. Les autorités départementales refusent, en opposant un argument assez cocasse : « Les rails sont faibles pour l’armée et ils sont tout tordus, puisqu’ils sont sur des routes très tortueuses… »

Au lendemain de la guerre, les travaux reprennent lentement, mais les finitions et la mise en place de la ligne d’alimentation électrique ne seront achevées qu’en 1923. Cette année-là, le premier convoi, composé de deux motrices et deux wagons, effectue des essais en charge des ouvrages d’art le 16 juillet. L’inauguration a enfin lieu le 29 juillet 1923.

Dès le début de l’exploitation, le tramway connaît un faible trafic et un résultat financier déficitaire. L’exercice de 1925 se solde par 72.000 francs de déficit.

Les difficultés techniques continuelles, la faible fréquentation des trains et la concurrence routière, de plus en plus entreprenante, engendrent des frais de fonctionnements élevés. La ligne du Haut-Var est fermée parmi les premières, le 16 mai 1929, soit moins de six ans après son inauguration et ce malgré le plaidoyer du conseiller et Maire de Guillaumes, Monsieur Agnelly. Dans son discours Il alla jusqu’à revendiquer un supplément de wagons pour satisfaire les demandes des commerçants, un troisième train avec des voitures confortables pour les nombreux touristes visitant les gorges de Daluis. Il alla même jusqu’à lui découvrir un intérêt stratégique majeur, car selon lui _« elle seule peut amener à la fois de Nice, Marseille, Lyon les munitions, les hommes et le ravitaillement nécessaires aux troupes pour la défense de la frontière » et de conclure que « la suppression de cette ligne sans en informer le ministère de la guerre constitue un crime de lèse-patrie »__

Le matériel roulant est évacué dès 1930 pour être démoli ou réutilisé sur la ligne de la Tinée, qui survivra encore deux ans. Le déclassement de la ligne est prononcé le 3 avril 1932, permettant la dépose de la voie ferrée et de la ligne électrique.

Philippe Thomassin, Roudoule, écomusée en terre gavotte, 2018