Louis-Auguste Blanqui

Louis Auguste Blanqui est né le 8 février 1805 à Puget-Théniers où son père, Jean Dominique, est sous préfet. La chute de Napoléon entraînant la disparition de la sous préfecture, Auguste quitte alors les Alpes Maritimes pour rejoindre ses parents en Eure et Loir au château de Grandmont que sa mère vient d’hériter. A son arrivé, une partie du domaine est occupée par un Etat major prussien. Il en gardera une haine farouche contre les Prussiens.

A 13 ans, il quitte ses parents et se rend à Paris où il retrouve son frère aîné Adolphe. Inscrit d’abord à l’institution où ce dernier enseigne puis au lycée Charlemagne il poursuit de brillantes études. Il a 17 ans lorsque survient un événement qui marquera toute sa vie. Toujours étudiant, il assiste à l’exécution de 4 sergents de La Rochelle condamnés à mort pour « complot contre l’Etat ». Ce jour là, il se jurera de tout faire pour les venger. En 1828, en compagnie d’un ami, il quitte Paris pour rejoindre Toulon et de là s’embarquer pour la Grèce dans l’intention de combattre la « tyrannie ». En chemin, il décide de revoir Puget-Théniers. Mais arrivé dans son village natal, il est vite inquiété par la police, transféré à Nice et emprisonné quelques heures. Libéré, il change de destination, part pour l’Espagne puis rentre à Paris en août 1829.

Après une vie de lutte acharnée et de nombreux emprisonnements, il meurt à Paris le 1 janvier 1881. Il sera inhumé au Père Lachaise accompagné d’une foule de 150 à 200.000 personnes.

Pour brosser un portrait de Blanqui, on peut dire qu’il a été à la fois « l’insurgé, le républicain, le patriote, l’écrivain , l’homme qui a fait peur et surtout l’enfermé.

Auguste%20Blanqui Portrait de Louis-Auguste Blanqui, jeune révolutionnaire. Coll. Roudoule. Gravure de Claude Faye,1980 (https://alubros.fr)

L’insurgé.

A la fois, penseur, et homme d’action. Dès la fin de ses études, en 1824, il adhère à la société secrète des « Carbonari » et participe à toutes les manifestations estudiantines contre le Régime. En 1827, monté sur les barricades, il est blessé deux fois par des coups de sabre, une troisième fois par une balle de fusil qui lui laissera une cicatrice au cou. Le 12 mai 1839, à la tête de la « Société des Saisons » qu’il a créée, il juge que le temps est venu de renverser Louis-Philippe. Il lance une attaque contre le poste de police du Palais de Justice afin de s ‘emparer des fusils, pour occuper la Préfecture et l’Hôtel de Ville. Après un repli vers le quartier Saint Martin, il parvient à s’enfuir tandis que son ami Barbès reste grièvement blessé, sur le pavé. Il sera condamné à mort, peine commuée en détention à vie.

Le 15 mai 1848, au cours d’une manifestation organisée afin d’obtenir l’envoi d’aide en Pologne où l’on se bat pour la liberté, il est forcé par la foule, à prendre la parole. Le mouvement dégénérant, il tente en vain de calmer les esprits. La troupe intervenant, il s’enfuit. Il est traqué durant une quinzaine de jours. Dénoncé il est arrêté. Le 14 août 1870, à la tête de son groupe de Blanquistes, il veut abattre le régime impérial qu’il estime affaibli par ses défaites militaires contre l’armée prussienne. Il faut des armes, il dirige l’assaut contre une caserne de pompiers. La troupe intervient et c’est encore l’échec. Un mois plus tard, lors des manifestations du 31 octobre, la foule refuse l’Armistice signée par le Gouvernement de Défense nationale. L’Hôtel de ville est envahi. Un nouveau Gouvernement provisoire est formé par acclamation, Blanqui y figure. Il est appelé à venir sur place. La troupe régulière intervient pour disperser les manifestants et une fois encore c’est l’échec.

Le républicain.

C’est principalement en 1848, qu’il va se révéler Républicain. Quand la révolution éclate, en février 1848, il est toujours emprisonné à Blois, où il a refusé la grâce royale qui lui avait été accordée. A la proclamation de la République, le 24 février 1848, il est libéré et dès le lendemain il arrive à Paris. Mais le gouvernement provisoire mis en place par Lamartine ne correspond pas à ses attentes. L’adoption du drapeau rouge, comme emblème national, est refusé. Il estime que les élections prévues sont programmées avec un délai trop court et qu’il n’aura pas le temps d’expliquer sa politique : il veut une « république sociale » où chacun aurait un rôle.

Le patriote.

En 1870, l’Empire agonise. L’armée est battue et Napoléon III fait prisonnier à Sedan. La IIIème République est proclamée le 4 septembre. Le gouvernement de Défense nationale souhaite l’Armistice. Blanqui s’oppose. Il utilise deux moyens pour répandre ses idées : des discours prononcés devant un club qu’il a formé et surtout un journal qu’il édite « La Patrie en danger ». Ce journal paraît quotidiennement de septembre à décembre pour défendre l’action du Gouvernement de Défense Nationale. Il réclame sans arrêt des armes, des canons, des fusils et des hommes. Il veut continuer la lutte contre la Prusse. Il affirme même que si le gouvernement ne répond pas aux attentes du peuple, il faudra écarter ceux qui rendent la défense impossible. C’est ce que le peuple de Paris va essayer de faire sans succès le 31 octobre 1870.

L’écrivain.

Tout au long de sa vie, Blanqui a écrit. Régulièrement, il publiait des « proclamations ». Une des plus importantes est sans doute « Instruction pour une prise d’armes » dans laquelle, il décrit dans les moindres détails comment il conçoit la bataille de rues, l’organisation de l’armée, la façon de réaliser les barricades et où les placer. Il sera également le rédacteur de plusieurs journaux : « Candide », « La patrie en danger », « Ni Dieu ni Maître ». Il publiera un essai « Eternité par les astres ».

2009_194-00001_original Le Trombinoscope, Louis-Auguste Blanqui, mars 1872.Coll. Roudoule, 2000-194.

L’homme qui fait peur. Tout au long de sa vie, Blanqui a fait peur à tous les Régimes, depuis les monarchies de Charles X et de Louis Philippe jusqu’à la IIIème République. C’est surtout sous la IIème République qu’il fera le plus peur. Dès la mise en place du Gouvernement Provisoire qui suit les « Trois Glorieuses », il est considéré comme un homme à abattre. Tout est mis en œuvre pour y parvenir. C’est ainsi que le 31 mars 1848, la « Revue rétrospective » sort en librairie. Elle contient un article appelé le « document Taschereau ». Ce texte est intitulé « Déclaration faite par *** devant le Ministre de l’Intérieur ». Certains le considèrent comme un faux réalisé par la police dans le but de détruire Blanqui et d’autres le trouvent parfaitement plausible. Il n’est pas signé mais à sa lecture on pense immédiatement que Blanqui en est l’auteur. Il relate des déclarations faites en 1839. On y décrit le fonctionnement de la Société des Saisons, ses buts et ses moyens, le nom de tous les responsables. Désormais, Barbès qui avait participé à la création de cette société secrète considèrera Blanqui comme un traître et deviendra son pire ennemi. Lors des élections à Bordeaux où Blanqui sera candidat à la députation, on agitera toujours ce document.

L’enfermé.

C’est certainement sous ce qualificatif que Blanqui est le plus connu. Dans sa préface du livre « Blanqui l’Enfermé » de Gustave Geffroy, Julien Cain (membre de l’Institut) rapporte que Blanqui a passé: plus de trente quatre ans en prison sans compter les années d’exil, de surveillance policière et de résidence forcée.

2009_195-00001_original Le Trombinoscope, Louis-Auguste Blanqui, janvier 1882. Coll. Roudoule, 2000-195.

Parmi la longue liste des prisons de Blanqui nous citerons :

  • Le Mont Saint Michel. Pour son action du 12 mai 1839. il arrêté le 13 octobre et condamné à mort en janvier 1840. Cette peine sera commuée en réclusion à vie par le Roi Louis-Philippe. Début de 1841, l’annonce du décès de sa femme et la dureté des conditions de vie de cette prison le décident à s’évader. Aidé par sa mère, la tentative a lieu le 10 février 1842. Elle échoue. Le 18 mars 1844, gravement malade, il est transféré à Tours jusqu’à la Révolution de 1848.

  • Belle Ile en Mer. Après la journée du 15 mai 1848, il est amené à Bourges en mars 1849. Il comparaît devant la Haute Cour de Justice. Les débats très houleux vont se résumer à une lutte verbale entre Barbès et Blanqui Le premier est condamné à la déportation et Blanqui à 10 ans d’emprisonnement. Tous deux vont se retrouver à Belle-Ile en Mer. L’environnement carcéral épouvantable est rendu encore plus difficile par la cohabitation des deux ennemis. Un nouveau projet d’évasion est mis sur pied. Accompagné d’un ami, il parviendra à sortir de la prison. Mais ils n’iront pas loin car ils vont être dénoncés par un habitant du village chez qui ils avaient trouvé refuge. Repris, ils sont renvoyés en prison. Le 1er décembre 1857, il quitte Belle-Ile car le pénitencier doit être rendu à l’armée. Il est alors conduit, à Corte en Corse où il apprendra en 1858 la mort de sa mère. La victoire de la France à Solferino va lui rendre la liberté, enfin presque car il est déporté à Mascara en Algérie. Amnistié en septembre 1859, il pourra rentrer à Paris.

  • Clairvaux. Pour son action du 31 octobre 1870, il est arrêté sur ordre de Thiers le 17 mars 1871 et incarcéré au fort du Taureau en attendant son procès. Celui-ci aura lieu à Versailles quelques mois plus tard. Il est condamné à la déportation mais étant donné son âge, il sera enfermé à la prison de Clairvaux le 17 septembre 1872. Après plusieurs années de vie carcérale, il tombe de nouveau gravement malade. On va même jusqu’à annoncer sa mort. En réalité, comme par le passé, il se rétablit peu à peu. Son sort a cependant ému l’opinion publique. Clemenceau prend régulièrement la parole en sa faveur. Afin d’obtenir sa libération, ses amis le font élire député de la première circonscription de Bordeaux. Son élection sera invalidée mais le peuple lui est tellement favorable qu’il est gracié par Jules Grévy. Il a alors 74 ans !

Pour finir l’histoire de cette vie très tourmentée revisitons le monument que Puget-Théniers a érigé à l’un de ses plus célèbres enfants :

Louis Auguste Blanqui 1805-1881
Penseur, polémiste, agitateur révolutionnaire défenseur héroïque du prolétariat
Membre de la Commune de 1871
Il paya de 40 ans d’emprisonnement sa fidélité à la cause sacrée
de l’émancipation des travailleurs.

Contre une classe sans entrailles
Luttant pour le peuple sans pain
Il eut vivant quatre murailles
Mort quatre planches de sapin.
E. Pottier

Victor Werny